En février 2007 à Munich, M. Poutine fustige l’unilatéralisme américain: “On veut nous infliger de nouvelles lignes de démarcation et de nouveaux murs”. En 2008, il lance ses troupes pour bloquer l’offensive du président géorgien contre l’Ossétie du Sud et contrecarrer indirectement une extension de l’Otan dans le Caucase. Mais il ne renonce pas au dialogue et propose même en novembre 2009 un traité de sécurité en Europe. La proposition est ignorée.

Rejetée aux marges de l’Europe, la Russie poursuit, de son côté, son projet d’intégration économique régionale avec d’anciennes républiques soviétiques centre-asiatiques et caucasiennes (Kazakhstan, Kirghizstan, Tadjikistan puis Arménie) et la Biélorussie. Mais là encore, Moscou ne cherche pas à tourner le dos à l’Europe, son premier partenaire commercial et principale destination de ses exportations de gaz. Grâce à ce projet, la Russie pense au contraire pouvoir négocier en meilleure posture un partenariat avec l’UE… à condition d’intégrer l’Ukraine, pièce maîtresse de son édifice. Moscou accuse aujourd’hui l’Union européenne de l’avoir exclu des discussions portant sur l’accord d’association avec l’Ukraine, qui a mis le feu aux poudres en 2013–2014. Alors qu’à Moscou, on estime qu’en vertu des liens historiques et économiques avec Kiev, Bruxelles aurait dű associer Moscou aux discussions, règne en Europe la conviction diamétralement opposée. “L’idée même de sphère d’influence pour la Russie est considérée comme illégitime, analyse le politiste britannique Richard Sakwa, alors que le champ de ses intérêts légitimes [de la Russie] et comment Moscou a le droit de les exprimer reste flou19.

Les chances pour l’avenir

La ligne paneuropéenne s’est brisée sur la Crimée”, reconnaît M. Roubinski. Moscou n’a guère d’illusion sur la possibilité de relancer une relation privilégiée avec l’Europe, la Russie juge celle-ci alignée sur la politique hostile des États-Unis. Si elle devait l’être, ce serait à une condition: se voir reconnu un statut d’égal. “Ce qu’on a offert à la Russie n’est pas le Grand Occident (Greater West), mais l’adhésion à l’Occident dans son acception historique, et à une position subalterne”, résume Sakwa. C’est précisément ce que Moscou ne souhaite plus: “Nous ne supplierons personne [de lever les sanctions économiques qui frappe la Russie depuis 2014]” a prévenu le ministre russe des affaires étrangères, M. Lavrov, lors d’une conférence de presse commune avec son homologue belge, le 13 février dernier. Ce partenariat, s’il devait être relancé, s’inscrirait désormais dans une vision qui n’a plus rien à voir avec la vision gorbatchévienne d’un retour à l’Europe. “Le monde a changé. L’époque des blocs et des alliancesfermées estfinie”, s’agace , presque M. Fiodor Loukianov, rédacteur en chef de la revue Russia in Global affairs, lorsqu’on l’interroge sur l’avenir de l’idée paneuropéenne.

Quand les Européens reviendront à la raison, nous sommes toujours prêts à construire cette Grande Europe, ajoute M. Samarine. Nous visons l’intégration des intégrations c’est-à-dire un rapprochement et une harmonisation de l’Union européenne et de l’Union eurasiatique”.

La Russie voit désormais l’Europe comme un partenaire important, mais plus comme un destin historique. Tout en affirmant que la culture russe constitue une “branche de la civilisation européenne”, M. Lavrov affirme qu’il est “impossible de développer des relations entre la Russie et avec l’Union européenne comme au temps de la guerre froide, lorsqu’ils étaient au centre des affaires mondiales. Nous devons prendre acte des puissants processus en cours en Asie pacifique, au Moyen-Orient, en Afrique et en Amérique latine