Duroy l'ouvrit et lut:
«Rendez-vous tantôt, cinq heures, rue de Constantinople, 127. Tu te feras ouvrir l'appartement loué par Mme Duroy.
«Clo t'embrasse.»
À cinq heures précises, il entrait chez le concierge d'une grande maison meublée et demandait:
– C'est ici que Mme Duroy a loué un appartement?
– Oui, monsieur.
– Voulez-vous m'y conduire, s'il vous plaît.
L'homme, habitué sans doute aux situations délicates où la prudence est nécessaire, le regardait dans les yeux, puis, choisissant dans la longue file de clefs:
– Vous êtes bien M. Duroy?
– Mais oui, parfaitement.
Et il ouvrit un petit logement composé de deux pièces et situé au rez-de-chaussée, en face de la loge.
Le salon, tapissé de papier ramagé, assez frais, possédait un meuble d'acajou recouvert en reps verdâtre à dessins jaunes, et un maigre tapis à fleurs, si mince que le pied sentait le bois par-dessous.
La chambre à coucher était si exiguë que le lit l'emplissait aux trois quarts. Il tenait le fond, allant d'un mur à l'autre, un grand lit de maison meublée, enveloppé de rideaux bleus et lourds, également en reps, et écrasé sous un édredon de soie rouge maculé de taches suspectes.
Duroy, inquiet et mécontent, pensait: «Ça va me coûter un argent fou, ce logis-là. Il va falloir que j'emprunte encore. C'est idiot, ce qu'elle a fait.»
La porte s'ouvrit, et Clotilde se précipita en coup de vent, avec un grand bruit de robe, les bras ouverts. Elle était enchantée:
– Est-ce gentil, dis, est-ce gentil? Et pas à monter, c'est sur la rue, au rez-de-chaussée! On peut entrer et sortir par la fenêtre sans que le concierge vous voie. Comme nous nous aimerons, là dedans!
Il l'embrassait froidement, n'osant faire la question qui lui venait aux lèvres.
Elle avait posé un gros paquet sur le guéridon, au milieu de la pièce. Elle l'ouvrit et en tira un savon, une bouteille d'eau de Lubin, une éponge, une boîte d'épingles à cheveux, un tire-bouchon et un petit fer à friser pour rajuster les mèches de son front qu'elle défaisait toutes les fois.
Et elle joua à l'installation, cherchant la place de chaque chose, s'amusant énormément.
Elle parlait tout en ouvrant les tiroirs:
– Il faudra que j'apporte un peu de linge, pour pouvoir en changer à l'occasion. Ce sera très commode. Si je reçois une averse, par hasard, en faisant des courses, je viendrai me sécher ici. Nous aurons chacun notre clef, outre celle laissée dans la loge pour le cas où nous oublierions les nôtres. J'ai loué pour trois mois, à ton nom, bien entendu, puisque je ne pouvais donner le mien.
Alors il demanda:
– Tu me diras quand il faudra payer?
Elle répondit simplement:
– Mais c'est payé, mon chéri!
Il reprit:
– Alors, c'est à toi que je le dois?
– Mais non, mon chat, ça ne te regarde pas, c'est moi qui veux faire cette petite folie.
Il eut l'air de se fâcher:
– Ah! mais non, par exemple. Je ne le permettrai point.
Elle vint à lui suppliante, et, posant les mains sur ses épaules:
– Je t'en prie, Georges, ça me fera tant de plaisir, tant de plaisir que ce soit à moi, notre nid, rien qu'à moi! Ça ne peut pas te froisser? En quoi? Je voudrais apporter ça dans notre amour. Dis que tu veux bien, mon petit Géo, dis que tu veux bien?..
Elle l'implorait du regard, de la lèvre, de tout son être.
Il se fit prier, refusant avec des mines irritées, puis il céda, trouvant cela juste, au fond.
Et quand elle fut partie, il murmura, en se frottant les mains et sans chercher dans les replis de son cœur d'où lui venait, ce jour-là, cette opinion: «Elle est gentille, tout de même.»